Pour une approche descriptive de « l’Écrivain », de Yasmina Khadra

نوع المستند : المقالة الأصلية

المؤلف

کلية الالسن جامعة عين شمس

المستخلص

De tout ce qui précède nous pouvons constater que la description dans le roman se voit répartie parmi les objets (concrets ou abstraits), les personnages, l’espace et le paysage. La description de l’abstrait comme la lecture, l’écriture, la littérature, la fatalité, le destin dépasse celle des objets concrets. Quant au portrait il est de mise, il a la part du lion.
Notons bien que la théorie de décrire pour décrire paraît  inconcevable de la part de l’écrivain. La description a une fonction à remplir. Raison pour laquelle elle paraît tantôt explicative quand elle  révèle et s’attarde sur les explications ; tantôt référentielle ou mimésique[1]quand elle situe le cadre de l’action et provoque une illusion de réalité. A ce moment-là, Elle représente, fait voir, donne à voir avec des mots. Dans d’autres situations, elle revêt l’aspect documentaire quand elle apporte une dimension informative et fait apprendre au lecteur. Nous la trouvons également métaphorique[2]poétique et esthétique. Et là, sa valeur littéraire et artistique s’accroît, elle émeut davantage et fait sentir. Il est également impératif de faire allusion à la fonction symbolique de la description dans le roman. Celle-ci est manifestée par son aptitude à traduire des impressions et des états d’âme. Il s’agit par ailleurs de créer une atmosphère, de véhiculer des valeurs morales et transmettre une vision particulière. Ainsi, donne-t-elle les principaux repères pour une bonne compréhension. La fonction appréciative et évaluative n’est pas à négliger. Elle se traduit par sa capacité à manifester un jugement de valeur directement ou  explicitement. Bref, la description, dans le roman, est dans sa grande majorité expressive ce qui s’accorde pleinement avec le genre autobiographique :
« Expressive la description l’est d’abord parce qu’elle se présente comme le dépositaire d’un point de vue, qu’il soit celui de l’auteur ou celui du personnage, qui surdétermine la description. Ce qui se manifeste textuellement par la présence d’isotopies euphoriques ou dysphoriques, selon l’état d’âme du descripteur et par une condensation de marqueurs de subjectivité. »[3]
Tout est fonctionnalisé, rien n’est laissé au hasard ou à la fantaisie du scripteur. La description a un rôle à jouer dans la diégèse et nous l’admettons elle l’a bien assumé. Les passages réservés aux portraits ne sont pas longs. Les éléments sont justifiés. La réduction à quelques traits est révélatrice du choix.  Le portrait est esquissé par touches brèves mais substantielles. Raison pour laquelle il n’est pas considéré comme interruption du temps du récit. De plus, sa composition dense contient en germe les événements de l’histoire. L’originalité du portrait se situe surtout dans une sélection rigoureuse des traits. Cette sélection  peut valoriser ou dévaloriser comme elle peut tourner en caricature le type soumis à la description. Si le portrait embrasse des traits physiques, psychologiques, moraux ou sociaux, c’est toujours pour communiquer une intention ou atteindre un objectif.
Quant au mode d’organisation de la description, il ne suit pas l’itinéraire classique, traditionnel qui tend à respecter les frontières[4]. La description ne forme pas une unité textuelle à part dans le récit au contraire elle passe par glissements[5] imperceptibles mais systématiques à l’intérieur du texte. On dirait même que narration et description se côtoient. On se demande souvent si le narrateur est en train de raconter ou de décrire.
Le parallèle quasi-continu établi entre les deux mondes, littéraire et militaire, contradictoires qui sont représentés sous l’appellation du monde de Midas et monde de Voltaire a soulevé l’acuité du problème auquel fait face le protagoniste.
Et pourtant, le malaise dont souffre Mouhammed Moulessehoul n’est pas une affaire individuelle, il caractérise une bonne partie de la jeunesse de par le monde. Combien de jeunes ont été obligés à prendre des cheminements qui ne s’accordent nullement avec leurs penchants ou ambitions ? ! Combien de jeunes ont dû céder devant la tyrannie d’un père ou l’abus d’une mère ?! Et en fin de compte combien de jeunes se sont pliés contre leur gré à la destinée ?!
Par une description lucidement intégrée au récit, le romancier a pu atteindre son but, décrire le dilemme de tout un chacun qui se voit contraint d’entreprendre une voie incompatible avec ses instincts, sa passion et ses aspirations. Par une typologie descriptive aussi multiple que variée investissant le voir, le dire et le faire l’auteur a pu peindre décor, portraits et paysage. La part de l’Algérie est évidente. Elle est incarnée par tous les portraits. Chacun a sa part dans le tableau panoramique du pays du plus petit cadet jusqu’au président Houari Boumedienne. Notons bien que le teint triste plane sur le récit de l’incipit à la clausule à l’exception de quelques parties évoquant un souvenir révolu ou un succès réalisé. En effet, rien n’est gratuit sur cette terre: les causes les plus nobles devraient quand même être défendues ; les exploits les plus héroïques ne pourraient se recueillir qu’au prix de la vie de son auteur.
En un mot, nous pouvons dire que le système descriptif adopté a eu l’avantage d’être fonctionnel. Sa belle insertion dans le tissu narratif  constitue, à vrai dire un socle inestimable dans le récit. La description ainsi narrativisée se répand au fil des pages comme une fidèle servante du récit [6]sans provoquer d’interruption pour l’événement ou constituer une pause trop longue.



[1] Cf., ADAM J.M. et PETIT JEAN A., op., cit., p.33


[2] Cf., ibid., p.21


[3] Ibid., p.18


[4] HAMON Philippe, Du Descriptif, Hachette Livre, Paris, 1993, P.170


[5] Ibid., P.170


[6] HAMON Philippe, Macula, 1991, op., cit., P.63

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